Spectres – Dean Koontz

Couverture de Spectres de Dean R. Koontz
Illustration de Pierre-Olivier Templier

Fiche Technique

Version originale

  • Titre original : Phantoms
  • Auteur :
  • Date de sortie VO : 1983
  • Genre : Horreur

Version exploitée

  • Titre : Spectres
  • Auteur :
  • Éditeur : Fleuve Noir
  • Traducteur : Michel Pagel
  • Date de publication VF : 1998
  • Collection : Thriller Fantastique
  • EAN : 978-2265078758
  • Note : 2,5/5 (1 avis)
  • Un avis rapide : Ne restera pas dans ma bibliothèque

Avis éclair

« Oui mais… » Horreur soft. De bonnes idées, mais trop long, trop prévisible. Ambiance « lovecraftienne » exquise, mais vire au manichéisme chrétien oiseux. Suspense, angoisses et sueurs froides au menu, mais calme plat au dessert. Emballé, mais au final pas conquis.

J’estime que ce livre s’adresse à des amateurs de récits d’horreur débutants ou peu expérimentés, qui cherchent seulement à se faire peur et qui ne s’embarrassent pas trop des détails (scientifiques, de cohérence, de background). Bien écrit, on passe malgré tout un bon moment, même si pour ma part je reste sur ma faim.

L’Ennemi de toujours est un monstre sadique, redoutable et glauque à souhait, une inspiration majeure pour de grandes parties de JdR.

Quatrième de couverture

Dès leur arrivée à Snowfield, petite ville sans histoire nichée dans les montagnes, Jenny et sa jeune sœur Lisa avaient ressenti une impression de calme étrange, surnaturel. Il y régnait un silence total, un silence de mort. Jenny s’était d’abord refusé à le reconnaître. C’était pour cela qu’elle n’avait pas appelé dans les rues désertes. De peur que personne ne lui réponde.

Mais, maintenant, si elle ne criait pas, c’était parce qu’elle avait peur d’être entendue par la chose tapie dans l’obscurité…

Attention spoilers
Tout ce qui suit dévoile peu ou prou des informations sur l’intrigue,
n’allez pas plus loin si vous souhaitez découvrir le livre par vous-même !

Pitch

Des disparitions de masse inexpliquées ont eu lieu tout au long de l’histoire de notre planète. Forêts sans faune, navires sans équipage, armées volatilisées, villages désertés.

Jenny (docteur) et Lisa Paige (petite sœur et adolescente) sont de retour à Snowfield, une ville dans les montagnes qu’elles découvrent vidée de ses habitants. Pourtant, rien n’a été emporté. Voitures abandonnées dans la rue, lumières allumées dans les maisons, plats encore chauds dans les cuisines, nourriture dans les assiettes… Seuls les êtres vivants ne sont plus là.

Dans la vallée, à Santa Mira, un promoteur immobilier (Fletcher Kale) est arrêté par la police (Bryce Hammond, Talbert Whitman). Le suspect est interrogé à propos des meurtres de sa femme et de son fils.

À Londres, un historien (Timothy Flyte) décrit à son éditeur le travail de sa vie. Comment il a compilé toutes les disparitions de masse depuis les Mayas à nos jours. Pourquoi il croit en l’existence d’un Ennemi de toujours, une forme de vie plus ancienne que les dinosaures qui se cacherait dans les profondeurs de la Terre et referait surface par moments, dévorant tout sur son passage et ne laissant jamais aucune trace.

« Spectres » raconte l’éveil d’un « Ancient Ennemy » (je cite le terme anglais, qui sonne beaucoup plus proche des célèbres Great Old Ones de Lovecraft), une créature amiboïde protéiforme capable de copier la voix et l’apparence de n’importe quelle créature absorbée. Comment cette créature, après avoir assimilé la mémoire de centaines d’êtres humains, décide de se faire passer pour Satan et de s’amuser un peu avec son bétail, avant de retourner dans les profondeurs des océans et replonger en léthargie pendant des ères.

Avis développé

J’ai dévoré la première partie du livre : l’arrivée des deux jeunes filles à Snowfield, la découverte des premiers morts, les premières scènes étranges, l’exploration de la ville fantôme, la tombée de la nuit, les jeux avec l’électricité, le téléphone, l’allée de service de la pâtisserie, les cloches de l’église… jusqu’au lever du jour. Je ne m’attendais pas, et cela m’a désagréablement surpris, à ce que Ça joue avec les humains au-delà d’une nuit.

Manichéisme

D’une manière ou d’une autre le récit aurait dû se clôturer avec l’aurore. Mais non, ça dure toute une journée de plus, et une nuit, et encore une journée… et ça perd à mes yeux toute saveur et toute crédibilité. De plus, le mélange « horreur chthonienne » et « Seigneur, Dieu, Jésus, Marie, Joseph » toutes les trois phrases, ça ne colle pas. Les Grands Anciens sont au-delà du Bien et du Mal, alors que le christianisme n’est que morale. Mixer les deux n’a aucun sens.

Historique

Côté « aspect historique », le livre serait basé sur des disparitions de masse qui se seraient réellement produites… C’est en tout cas ce sur quoi insiste une « note au lecteur » en fin de livre. En amateur de phénomènes étranges, j’ai donc pris soins de faire quelques recherches, sur le Net seulement certes, et je dois avouer que je reste perplexe : en dehors des sites d’illuminés et d’adeptes de théories du complot (‘servant of the light’, ‘ufologie – paranormal’, ‘world mysteries and true ghost tales’, ‘mysterious universe’, ‘nous ne sommes pas seuls’…), je n’ai trouvé aucune, je dis bien aucune, information sur les disparitions de masse évoquées !

Roanoke

Certes, on ne sait pas exactement ce que sont devenus les 128 colons. Mais John White, à son retour après 3 ans d’absence, ne trouve pas vraiment un village abandonné : celui-ci a plutôt été parfaitement démonté, fortifications comprises. Et la « Croix de Malte » qu’il avait demandé qu’on taille partout en cas d’hostilités envers la colonie n’est vue nulle part. Contraint par une tempête de quitter les lieux au plus vite et donc sans avoir le temps de pousser son enquête, il ne parviendra alors à revenir sur les lieux que 12 ans plus tard…

Si personne n’a vu de croix, le mot « Croatoan », désignant à la fois une tribu locale d’indiens pacifiques et l’île du coin, a cependant bien été retrouvé en deux endroits, taillé dans les restes d’un fort et dans un arbre. De nos jours, le Lost Colony DNA Project a été créé pour permettre de retracer les arbres généalogiques précis des autochtones. Les chercheurs estiment pouvoir prouver que de l’ADN anglais se retrouve bien chez les descendants des anciennes tribus, démontrant par la même que la population de la colonie, sans nouvelles a fini par être assimilée par les natifs américains.

Anjikuni, Mayas, Joya Verde et campagnes militaires

Pour la première, ce ne serait — d’après la gendarmerie royale canadienne — qu’un vaste canular médiatique reposant sur le livre de Frank Edwards « Stanger than Science ». Pour les Mayas… tout le monde connait l’histoire, et chacun est libre d’en conclure ce qu’il veut. Pour le reste, je ne trouve aucun article relatant un événement tragique quelconque s’étant produit dans un village nommé Joya Verde, et les milliers de soldats espagnols et chinois soit-disant disparus ne sont évoqués nulle part dans les textes officiels. Encore une fois, vous êtes libres de penser que ce n’est qu’un vaste complot destiné à vous cacher la Vraie Vérité !

Dieu mythologique

Selon le personnage historien de notre roman, l’Ancient Ennemy serait une figure incarnée du dieu de la mythologie grecque Proteus. Je cite : « […] la mythologie grecque, dans laquelle figure un dieu appelé Proteus. C’est sans doute le mot qu’il a voulu écrire sur le mur. Proteus. Un dieu qui rampait dans les entrailles de la terre. Qui ne possédait aucune forme propre, mais pouvait prendre celle qu’il désirait — et qui se nourrissait de ce qu’il voulait, de qui il voulait.» Fichtre ! Que d’erreurs ! Que d’approximations !

Alors certes, cela ne nuit pas à l’histoire. Mais, pour ma part, c’est tout à fait le genre de boulettes capables de me faire complètement sortir de l’ambiance d’un livre. Je rappellerai juste que, d’abord, c’est Protée en grec, et Proteus en latin. Une erreur pareille dans les mains d’un romancier… impardonnable. De plus, c’est une divinité marine, le gardien des troupeaux de phoques de Poséïdon, ayant le don de divination et la capacité de se métamorphoser. Pas un brin un dieu rampant dans les entrailles de la terre ! Déjà que, pour moi, venir mêler la mythologie grecque ici n’a aucun intérêt scénaristique, raconter de pareilles sottises a fait complètement dérailler l’histoire. Ce serait comme baser son explication en racontant que Satan est maître du Paradis, ou que Cthulhu siège au sommet de l’Himalaya… C’est n’importe quoi et, pfuit, envolée notre ambiance de livre d’horreur.

Conclusion

Certains me diront que j’exagère avec mes critiques sur l’historicité de ce roman, la background sérieux historique et scientifique. Après tout, ce n’est qu’une œuvre imaginaire destinée à faire peur. À ces personnes, je répondrai que l’auteur n’avait nul besoin d’en remettre une couche, une fois le roman terminé, avec une Note au lecteur en quasi-totalité mensongère. Si on fait appel au lecteur, c’est que nous sommes sortis de l’œuvre de fiction, que nous sommes retournés dans le monde réel, où il y a des faits et des preuves. A quoi bon forcer l’entrée du roman dans les légendes urbaines ? À trop vouloir en faire, Koontz nous perd… Dommage, car son monstre est vraiment une bête de scène à lui tout seul, il n’a pas besoin de ça !

Citations

P.69 « Au cœur de cette pièce barricadée, de cette maison silencieuse où la mort s’était introduite avec une impossible discrétion, Jennifer Paige sentit une étrange transformation s’opérer en elle. Elle était instruite, pétrie de logique et de bon sens, pas le moins du monde superstitieuse. Jusqu’ici, elle avait tenté de résoudre le mystère de Snowfield par la logique et le bon sens. Et pour la première fois de sa vie, ceux-ci l’avaient trahie. À présent, au plus profond d’elle-même, quelque chose… se déplaçait, comme si un lourd couvercle de fer s’était écarté pour dévoiler un obscur abîme inconscient. Dans cet abîme, au sein d’antiques corridors de l’esprit, résidaient une myriade de sensations et de perceptions primitives, une crainte irrationnelle qu’elle ne connaissait pas. En faisant appel à la mémoire raciale enfouie dans ses gènes, elle perçut ce qui se passait à Snowfield. La réponse était en elle — mais si étrange, si fondamentalement illogique, que la jeune femme lui résistait, luttait pour réprimer la terreur superstitieuse qui bouillonnait en son être. »

P.152 « Toutefois, même ainsi, la vue de cette monstruosité volante était insoutenable. Ce que le shérif distinguait de l’autre côté de la vitre — ce qu’il lui semblait distinguer dans un kaléidoscope de lumière, d’ombre et d’éclat lunaire miroitant — ressemblait à un rêve inspiré par la fièvre. Cela avait une envergure d’un mètre à un mètre vingt. Une tête insectoïde. De courtes antennes vibrantes. De petites mandibules pointues, sans cesse en mouvement. Un corps segmenté, suspendu entre des ailes gris pâle et possédant à peu près la taille et la forme de deux ballons de football américain accolés. Ce corps était gris, lui aussi, de la même nuance que les ailes — un gris terne de moisissure —, velu et d’aspect moite. Bryce devinait également des yeux, colossales lentilles protubérantes d’un noir de jais, à multiples facettes, qui réfractaient et reflétaient la lumière, luisaient d’un éclat sombre et affamé.
S’il voyait ce qu’il croyait voir, la chose était un papillon de nuit de la taille d’un aigle. Ce qui relevait de la folie pure. »

P.271 « Dans l’éclaboussement lumineux qui provenait de la bouche d’égout, puis dans le faisceau de la torche abandonnée par Peake, qui s’amenuisait rapidement, il distingua vaguement la chose. Pas beaucoup. Seulement par fragments, qui ne sortaient des ombres que pour s’y fondre de nouveau. Il en vit cependant assez pour perdre le contrôle de ses sphincters. Ça ressemblait à un lézard. Mais ça n’en était pas un. Ça ressemblait à un insecte. Mais ça n’en était pas un. Ça sifflait, miaulait, crachait. Tout en l’entraînant, ça claquait des dents pour déchirer le scaphandre. Ça avait des mâchoires caverneuses et des crocs… Jésus, Marie, Joseph ! Ces crocs ! Une double rangée de pieux aiguisés comme des rasoirs. Ça avait aussi des griffes, c’était colossal, avec des yeux d’un rouge fumé, aux pupilles allongées aussi noires qu’un tombeau. Ça avait des écailles à la place de la peau, ainsi que deux cornes qui surgissaient du front, au-dessus des yeux malveillants, incurvées vers l’extérieur, aussi effilées que des poignards. Ça avait une trompe en guise de nez, une trompe d’où dégoulinait de la morve. Une langue pointue ne cessait de rentrer et sortir, se promenant sur les crocs meurtriers, et on distinguait également quelque chose qui ressemblait à un dard, ou peut-être à une pince. »

P.392 « Quelle quantité y en a-t-il encore entre les murs de l’hôtel ? se demanda Bryce, mal à l’aise. Et dans les égouts ? De quelle taille est Proteus ?
Tandis que la chose s’éloignait, des orifices de forme étrange s’ouvrirent sur toute sa surface, plus petits qu’une bouche humaine, une douzaine, deux douzaines, et des bruits s’en échappèrent : des pépiements d’oiseaux, des cris de mouettes, des bourdonnements d’abeilles, des grondements, des sifflements, un doux rire d’enfant, une chanson lointaine, un ululement de hibou, l’avertissement d’un serpent à sonnette, semblable à des maracas. Ces sons, qui s’élevaient simultanément, se mêlaient en un chœur déplaisant, irritant, de très mauvaise augure. »

Maxime Mullet • l’Arpenteur de l’Infosphère

2 réponses à “Spectres – Dean Koontz

  1. Josiane

    Bonjour,

    Je pense que l’utilisation impropre de Proteus au lieu de Protée relève d’une erreur du traducteur et non de l’auteur.
    En effet en anglais seul le terme Proteus est utilisé (cf Shakespeare, Milton ou Worsworth…)

    Have a nice day :)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *